mercredi 26 janvier 2011

Sur le fil









Sur les fils montés dans le métier à tisser s'affairent lestement ses doigts.  L'atelier est situé dans le 20e arrondissement. La pièce bien qu'étroite abrite l'artisan en blouse de travail, aussi designer textile, ses matériaux, ses machines, ses outils, ses stocks, ses archives, ses échantillons, ses publications, ses souvenirs, ses heures à l'ouvrage, ses projets. Une grande fenêtre au double vitrage donne sur la rue de Bagnolet. La porte de l'atelier donne dans le hall de l'immeuble.

La machine en bois occupe la place centrale. Elle ressemble  à un instrument de musique hybride, sorte de harpe-clavecin sur laquelle Côme compose et joue ses concertos soyeux, ses sonates de lainage, toute la rythmique des tissus du monde. Les pieds sur les pédales, les mains qui semblent surnuméraires ont intériorisé une gestuelle du motif, né dans son imagination, et dont la partition brille sur l'écran de l'ordinateur allumé juste à côté.

Il faut imaginer sa grande bibliothèque de fils colorés et la présence de livres documents sur les étoffes des indiens des 5 continents. L'inspiration part de là : d'un lien à la nature, aux écorces, aux mousses, aux plantes vivaces, à des réminiscences de fossiles versant dans le pop, le folk avec une insolence contemporaine.




Côme Touvay est artisan indépendant et enseigne le Design Textile à L'ENSAD

lundi 17 janvier 2011

Berlin en fuite











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Berlin m'a semblé en fuite. Parce que la neige a fondu en deux jours et que les glaçons couraient dans la Spree. Parce que le mur était éparpillé, en restes presque anecdotiques. J'ai eu peur qu'on l'oublie. Mais, c'est le signe que la cicatrice s'est bien intégrée dans le paysage, en pointillés, parfois soulignée, parfois, juste là pour les yeux qui traînent. Parfois, même plus "à sa place". Il est déplacé, par petits morceaux. La mémoire de Rosa Luxembourg est "en place", "en rue" et "plaquée au sol". Gisaient quelques restes de pétards du Nouvel An.  

Et les travaux, les chantiers, les terrains vagues, les voitures qui roulent vite, toujours là : destruction-reconstruction, entre soleil et pluie, brouillard et vent, nuit et jour. Une vraie ville de traces. Il ne faut pas qu'elles disparaissent. 

Dans ce chaos urbain, j'y ai trouvé une cohérence identitaire, visuelle, mouvante, dans l'espace compris entre bitume et ciel.